lundi , 20 octobre 2025

La pédagogie à l’ère de l’IA

Par Ata-Ilah Khaouja

De quoi s’agit-il ?

A l’ère de l’Intelligence Artificielle, la pédagogie, telle qu’elle a été conçue dès son origine, n’a pas pris une seule ride. Mieux encore, cette même pédagogie, qui en a engendré plusieurs, dont l’inductive ou la déductive, se révèle, aujourd’hui, annonciatrice de nos usages éducatifs dans nos sociétés particulièrement marquées par la révolution numérique.

Une petite histoire

Notons, tout d’abord, qu’inductive et déductive ne sont que des formes adjectives des verbes induire, et déduire, c’est-à-dire des variantes du fameux verbe conduire, sur lequel repose toute l’éducation et qui est à l’origine de toutes les pédagogies.

Pour l’histoire, la légende raconte que le pédagogue, à une origine récente, c’est-à-dire à l’époque de la Grèce de Platon, était tout simplement, l’esclave qui conduisait un enfant, en général fils du noble, pour aller assister aux leçons du sage et pour apprendre des enseignements donnés, au forum, par Socrate ou par d’autres. L’histoire de cette définition, ne paie pas de mine, certes, mais son récit recèle des trésors magiques tels que : “ esclave ”, “ sage ” et enfin “ conduite ”, ou accompagnement à travers conduire. Et voici pourquoi.

En effet, à l’époque, le statut d’esclave traduisait l’état d’une personne exclue de toute prise de décision, empêchée d’émettre un quelconque avis personnel, et qui était, surtout, contrainte d’exécuter des ordres imposés. Par-dessus tout, l’esclave était assujetti à des missions dictées par ses maîtres. Bref, que des détails troublants, car ne pas donner son avis et se retrouver obligé à répéter des tâches ordonnées, c’est être contraint à exécuter des consignes décidées auparavant. Ce qui annonçait, déjà, le début d’une certaine idée de “ programme ”. Exactement et scrupuleusement, esclave était une personne programmée à reproduire les mêmes gestes et “ paramétré ” à exécuter des corvées à l’identique sans la moindre éventualité d’en discuter l’utilité encore moins la finalité.

Ensuite, reprenons la “ conduite ”.  L’accompagnement est, en effet, introduit dans le mot pédagogie par le suffixe “ gogia ” qui apporte l’idée de “conduire et pousser l’enfant ” sur le chemin de la connaissance. Il y’avait de quoi escorter l’enfant à cette époque, car emprunter des parcours entre le foyer familial et le centre du savoir, relevait de l’aventure et exigeait qu’on y soit accompagné d’une personne plus expérimentée. Gardons que la “ gogia ” ou le voyage est un mouvement, donc mobilité ou moteur. Nous ne sommes pas loin du moteur de recherche…

C’était une très lointaine époque où l’apprentissage se déroulait sous un ciel qui ne pleuvait que des gouttes ou des averses d’eau sinon des éclairs d’orages ou des grondements de tonnerres…et de temps à autres des météores. Bref, que des signaux naturels.

Notre actualité

Qu’en est-il de nos jours, où, le ciel, en plus de pleuvoir le naturel, est peuplé pleut de pixels, de bandes passantes, de fréquences … de stations spatiales et de satellites ?

Posée autrement, la question est : que ferions-nous, aujourd’hui, si nous voulions apprendre avec pédagogie ? Grâce à notre smartphone, par exemple, nous interrogerons un moteur de recherche qui se chargera d’aller chercher la définition dans une encyclopédie et pour nous fournir des exemples visuels et auditifs : écrits, images et vidéos ! Retenons de cette dernière phrase, qu’il s’agit d’un “ moteur de recherche ” qui permet d’” aller chercher ” un savoir ou une information dans une “ encyclopédie ”.

Or, on définit un « moteur de recherche ” comme un ensemble d’“algorithmes” à la recherche d’informations logées dans un serveur ”. Or, encore une fois, le mot « algorithme » veut dire programme. Et « serveur ”, vient du mot « serf », qui signifie exactement esclave ! On dit bien servante, servitude… En un mot : un « moteur de recherche » est un esclave programmé pour aller chercher une information, bien précise, logée quelque part, dans un lieu sage de savoir, appelé justement « encyclopédie ». Ainsi, par miracle, nous y reconnaîtrons la définition de l’esclave de tantôt. Et, aujourd’hui, qui sommes-nous quand nous interrogeons la toile ? Nous sommes tous aujourd’hui des enfants ou des jeunes et nos mains sont tenues par un esclave-moteur-virtuel à destination du sage-savoir-Wikipédia logé précieusement dans une encyclopédie virtuelle !

Subsistent, tout de même, quelques questions au sujet de notre petite histoire du pédagogue. Celui-ci, en accompagnant le jeune, le devançait-il pour mieux lui montrer le chemin : orientation scolaire ? L’interrogeait-il en fin de journée, lors du retour, le long du parcours, sur ses acquisitions : travaux dirigés, évaluation et partiels ? Prenaient-ils des pauses fréquentes durant le trajet : vacances scolaires ? Changeaient-ils de chemins régulièrement : diversifications des méthodes ? … Peu importe, ce qui compte et mérite d’être retenu, c’est que l’enfant ait quitté l’appartenance à une classe pour la connaissance et la sagesse. Sans le pédagogue, nous serions probablement encore à l’archaïsme des castes et à l’injustice de l’esclavage, et certainement, sans ce noble pédagogue, nous ne serions pas ce que nous sommes aujourd’hui.

Pour finir

Pour finir : la pédagogie a toujours accompagné l’humanité. Et le pédagogue a toujours été un intermédiaire entre un savoir et un public, entre un contenu nouveau et des curieux. A l’époque grecque, l’humanité se déplaçant à la vitesse du pas du randonneur, il était normal que le pédagogue, véritable moteur de recherche, ait été un humain au service de l’Homme. A notre époque, où, tout s’accélère et, où, l’Intelligence artificielle nous transporte à la vitesse de la lumière, le véritable pédagogue s’est incarné dans le moteur virtuel de recherche, cette fois-ci, étant un véritable pédagogue, il est tout à fait évident qu’il soit purement virtuel.

Grâce à la pédagogie, grâce à l’éducation, la jeunesse avait quitté, à pied, à une époque lointaine, l’appartenance à la classe noble et a pris la direction de la noblesse du savoir. Grâce aux télécoms, nous y allons, tous, jeunes et moins jeunes, à la vitesse de la lumière !

Par Ata-Ilah Khaouja

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